Dr. Raphaelle CASSEL
Prix de la Région Alsace
LNCA UMR 7364
La maladie d'Alzheimer (MA) est associée à des troubles de la mémoire, de la pensée et du comportement. Le fait de mémoriser et de se rappeler certains événements de notre vie, ce qui constitue une activité cognitive quotidienne normale chez le sujet sain, est en réalité d'une complexité incroyable pour le cerveau, surtout lorsque le fonctionnement de celui-ci est altéré en raison du développement de la MA. La formation d’un souvenir nécessite une régulation fine et coordonnée de différents événements intracellulaires parmi lesquels on retrouve la modulation de l'expression de certains gènes spécifiques. Au niveau cellulaire, l'ADN (qui contient la séquence des gènes) est dans un état de compaction important dans le noyau et ce, en raison de son enroulement autour de protéines histones, l’ensemble formant ainsi la chromatine. Les modifications épigénétiques sont des modifications chimiques opérées sur la chromatine (ADN et histones) qui permettent de moduler l’expression des gènes (au niveau des zones spécifiques où elles ont lieu) mais sans pour autant en changer la séquence d’ADN. Ainsi, les modifications épigénétiques modulent l’expression des gènes de manière spécifique, tant au niveau spatial que temporel. On pense à l’heure actuelle qu’elles permettent l’expression de gènes, et in fine de protéines, dont certaines sont impliquées dans les changements fonctionnels qui sous-tendent la formation de nos souvenirs. Au cours de ma thèse, je me suis intéressée à une modification épigénétique appelée « acétylation des histones », qui est régulée par deux grandes familles d'enzymes : les HATs (Histones AcétylTransférases), capable d’ajouter des groupements acétyl sur les histones, et les HDACs (Histones DéACétylases), responsables de leur retrait. Grâce à l’utilisation de substances activatrices ou inhibitrices des HATs ou des HDACs, il est possible de moduler les niveaux d’acétylation, et par ce biais, d’influencer les mécanismes qui sous-tendent la formation de la mémoire. Nous avons ainsi évalué l’efficacité de deux de ces molécules sur le rétablissement des processus mnésiques chez des souris transgéniques exprimant la composante « tauopathie » de la MA (agrégation pathologique de la protéine TAU) et atteintes de troubles de la mémoire spatiale. La première molécule utilisée, que nous avons récemment synthétisée et caractérisée, est un activateur de deux HATs impliquées dans les processus mnésiques appelées CBP et P300. La deuxième molécule est un inhibiteur des HDACs, déjà testé dans d’autres modèles animaux de la MA mais jamais chez des souris modélisant l’aspect « tauopathie » de cette pathologie. Quelle que soit la stratégie utilisée pour augmenter l'acétylation des histones, nous avons pu constater une récupération des capacités à rappeler un souvenir spatial chez les souris traitées. Ainsi, nous pensons que cette approche innovante, visant à moduler les niveaux d’acétylation dans le cerveau, pourrait être une stratégie prometteuse pour le traitement des troubles de la mémoire chez les patients atteints de la MA, d’autant que les traitements actuellement prescrits n’ont qu’un effet relativement modeste sur ces troubles.